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L'agriculture biologique, des années 1920 à 2020

L'agriculture biologique, des années 1920 à 2020

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L’agriculture biologique trouve racine dans les années 1920 avant de se développer plus largement en France dès les années 1970 et 1980. Malgré une bonne réputation, le marché du bio accuse une chute inédite en 2021. Une première.
ID L'info durable

[Cet article a été initialement publié dans le guide IDÉES PRATIQUES #11 : Tout savoir sur l'alimentation bio, réalisé par ID L'Info Durable]

Tandis que les surfaces bio sont en hausse de 9 % depuis 2020, "la valeur des achats d’aliments issus de l’agriculture biologique a reculé de 1,3 %" en 2021 par rapport à l’an passé, estime le ministère de l’Agriculture. Cette baisse s’inscrit dans un contexte de crise et emboîte le pas à une baisse globale de la consommation alimentaire des ménages (avec un recul de 2,28 %).

Pour les agriculteurs et agricultrices, qui faisaient déjà état de difficultés de rémunération jusqu’alors - et malgré une bonne presse globale du secteur -, cette chute pourrait s’avérer un coup dur. Mais selon les projections des spécialistes, ce recul ne devrait pas durer. N’en reste pas moins que les conditions de travail des premiers concernés restent en question. Pour un avenir viable de tous, l’agriculture biologique devra vite retrouver ses lettres de noblesse et poursuivre sa route vers la transition alimentaire, estiment les acteurs du secteur.

Jusque-là, les dernières décennies ont pourtant largement profité au bio. Même la crise sanitaire, dévastatrice pour nombre de secteurs économiques, n’a pas entaché sa résilience : l’intérêt des Français et Françaises pour la consommation de produits issus de l’agriculture biologique s’est même plutôt confirmé en 2020. Cette année-là, d’après l’Agence Bio, le marché a passé le cap symbolique des 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit une croissance de 10,4 % par rapport à la précédente. Pour sa directrice Laure Verdeau, ce recul inédit de consommation pourrait s’inscrire dans un paysage de baisse globale du pouvoir d’achat des consommateurs et consommatrices : "Si les Français mangent moins bio, il faut contextualiser. Les Français mangent moins tout court. Le prix d’un panier moyen a baissé".

Crise sanitaire, guerre en Ukraine, inflation... Les différents paradigmes socio-économiques n’ont alors pas non plus épargné les produits bio. Mais, tempère la directrice de l’Agence Bio, ceux-ci subissent actuellement une hausse des prix moindre par rapport aux produits conventionnels. En outre, d’autres facteurs entrent en ligne de compte : "On a beaucoup confondu le ralentissement du marché bio avec celui de certains circuits structurés comme la grande distribution. D’autres segments sont très dynamiques, comme la vente directe qui jouit de 8 % de croissance : sur ce secteur beaucoup d’artisans fonctionnent en bio et l’ont donc embarqué dans leur croissance".

L'agriculture biologique française en 3 chiffres

L'agriculture française en trois chiffres
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Le bio garde-t-il bonne presse ?

À qui la faute ? La baisse du pouvoir d’achat semble ainsi être la première responsable de ce recul inédit du marché bio en France. D’après les chiffres de l’Agence Bio, la consommation de ce type de produit a par ailleurs doublé en cinq ans sur la période 2015-2020. Mais globalement, celui-ci a-t-il bonne presse ? Dans l’imaginaire collectif, on a plutôt tendance à associer le bio à des prix élevés. Ainsi, selon un sondage IFOP paru en 2021, le coût reste le premier frein à la consommation d’aliments bio : 91 % des sondés jugent les produits bio "trop chers". Mais "cette tendance s’érode au fil des années", rappelle Laure Verdeau – ils étaient par exemple 94 % en 2008, d’après l’IFOP.

Deuxième point évoqué par les consommateurs et consommatrices, le risque de greenwashing : bon nombre d’entre eux s’interrogent toujours sur la durabilité réelle des aliments issus de l’agriculture biologique. Selon ce même sondage, 48 % des consommateurs considèrent que l’on ne peut faire confiance à l’appellation "bio" sur les produits alimentaires. "Un comble", pour la directrice de l’Agence Bio qui rappelle que l’on parle alors de la forme d’agriculture la plus contrôlée. Mais perdue dans la masse, l’image du marché se ternit aux côtés d’un flot d’offres plus ou moins vertes : "Dans les rayons, on trouve des allégations marketing de deux ou trois acteurs privés qui détournent les consommateurs d’une consommation bio. On qualifie ces pratiques de ‘simili-bio’". Un "déficit d’information", pour Laure Verdeau, rendant les choix dans les rayons plus difficiles "compte tenu du bruit de fond sur l’agroécologie qui perd les consommateurs".

Top 3 des produits achetés en bio par les Français et Françaises

Top 3 des produits achetés en bio par les Français et Françaises
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Petite histoire de l'agriculture biologique

"L’agriculture biologique est née d’une réflexion conjointe d’agronomes, de médecins, d’agriculteurs et de consommateurs, soutient le ministère de l’Agriculture. Dans les années 1920, ceux-ci ont initié un mode alternatif de production agricole privilégiant le travail du sol, l’autonomie et le respect des équilibres naturels". Si les premières réflexions ont émergé si tôt, il apparait toutefois qu’"avant la Seconde Guerre mondiale, finalement toute agriculture était bio en France, puisque les intrants issus de la chimie de synthèse n’existaient pas ou très peu", estime Claude Gruffat dans l’ouvrage Les dessous de l’alimentation bio.

Au fil des décennies, plusieurs courants de pensée se sont déclinés autour de l’agriculture bio, alors que dans le même temps, les années 1960 ont été marquées par le passage progressif "d’une agriculture traditionnelle de quasi-autosuffisance alimentaire, peu productrice, à une agriculture intensive et productiviste tournée vers l’exportation", note encore l’auteur Claude Gruffat. La France offrira finalement un premier cadre précis à l’agriculture bio à partir des années 1980, d’abord, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, dans le cadre de la loi d’orientation agricole.

L’article 14 de ce texte notifie par exemple que "la qualité de produits de l’agriculture n’utilisant pas de produits chimiques de synthèse, dite ‘agriculture biologique’, ne peut, sous quelque formulation que ce soit, être attribuée qu’aux produits agricoles transformés ou non, répondant aux conditions de production, de transformation et de commercialisation fixées par les cahiers des charges homologués par arrêté interministériel". Puis, en 1985 est enfin né le label Agriculture Biologique, dit label AB. Dans le même temps, la France a harmonisé les différents cahiers des charges existants.

"Le bio" ou "la bio" ?

Une question qui divise. Le terme "bio", d’une bouche à l’autre, peut-être genré au masculin ou au féminin. Et Le Robert ne donne pas vraiment de réponse à cette interrogation, admettant que les deux formulations se valent. Le dictionnaire note toutefois une subtile nuance. Selon ses lignes, "La bio" désigne tout simplement l’agriculture biologique. "Le bio" en revanche serait relatif à "l’ensemble des produits biologiques, leur commerce". S’ils admettent le genre masculin en référence au marché du bio, certains considèrent le terme "bio" au féminin plutôt comme "un art de vivre".

À l’image de Philippe Bramedie, auteur de l’ouvrage La Bio : un avenir pour tous, aux éditions du Cherche midi : "Le bio est un mode de consommation que j’ai choisi pour moi, pour ceux qui me sont chers et j’œuvre, depuis près de trente ans, à le diffuser au plus grand nombre, écrit-il. Pour autant ‘le’ bio n’appartient pas à mon vocabulaire. (…) Car ‘La’ bio va bien au-delà du bio".

Bio ou organique ?

"À ‘bio’, d’autres pays préfèrent les mots ‘organique’ (dans les pays anglo-saxons) ou tout simplement ‘écologique’ (dans le nord de l’Europe)", précise Philippe Bramedie dans son ouvrage La Bio : un avenir pour tous.

Alors que le terme, au masculin, semble avoir été introduit dans l’Hexagone en 1950, il en garde aujourd’hui les mêmes racines. Le GABO – Groupement des agriculteurs biologique de l’Ouest - lui donne naissance, définissant un cahier des charges, des techniques et normes de ce mode de production alors alternatif qui vise à respecter les sols. Ainsi, le bio semble associé à une dimension pour le moins factuelle : les règles de l’agriculture biologique et le marché qui en découle. Et pour Philippe Bramedie, la bio quant à elle ne peut se résumer à ces strictes exigences "même si elle les intègre et veille à leur application".

Mieux encore, elle est aussi "plus qu’une conviction, plus qu’une pensée, plus qu’une idéologie ou une philosophie : elle est un art de vivre". Même son de cloche pour Claude Gruffat, dans Les dessous de l’alimentation bio, aux éditions La mer salée, qui a dédié de nombreuses pages à cette distinction : "Aujourd’hui, deux modèles d’agriculture dite bio s’affrontent. Celle des militants de la première heure, que porte la coopérative Biocoop entre autres (la Bio), et celle définit par le règlement européen : le bio".

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