Yuka, un allié pour mieux manger ?
Yuka, un allié pour mieux manger ?
Un Français sur quatre utilise une appli alimentaire, d'après une étude Ifop de 2019. Largement en tête, Yuka se démarque : cette application gratuite, née en 2017, permet de scanner depuis son smartphone les codes-barres des produits alimentaires pour obtenir des infos sur leurs impacts sur la santé. Près de 23 millions de personnes l'ont téléchargée ! C’est un fait : nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir en savoir plus sur la composition des aliments que l’on achète. Déchiffrer les étiquettes n’étant pas toujours simple, Yuka semble nous faciliter la vie.
Comment ça marche ?
Le fonctionnement est simple. Quand on scanne le code-barres d’un produit, on obtient une note sur 100 accompagnée d’une couleur. On aura donc une pastille verte si l’article ne pose pas de problèmes et une orange ou rouge s’il vaut mieux le reposer. Le produit sera "excellent" s’il détient une note entre 75 et 100, "bon" entre 50 et 74, "médiocre" entre 25 et 49 et "mauvais" entre 0 et 25.
Par exemple, les lentilles vertes origine France d'un grand distributeur obtiennent une pastille verte avec une note de 100/100, quand des biscuits au chocolat pour les écoliers décrochent une pastille rouge avec une note de 0/100.
Si on le souhaite, on peut aussi regarder la fiche détaillée du produit pour avoir plus d’informations sur ce qu’il contient. Si le produit est "médiocre", Yuka propose des produits de substitution qui ont une meilleure note. À la place des biscuits au zéro pointé, Yuka suggère ainsi une alternative, des biscuits au chocolat bio, affublés d'un 94/100.
Une note multi-facteurs
Jusqu'en janvier 2018, le calcul a été réalisé à partir de la base de données collaborative Open Food Facts. Depuis, Yuka a créé sa propre base de données, à partir des contributions des utilisateurs et des marques qui donnent accès à l'appli aux informations sur leurs produits.
La note est attribuée de la façon suivante :
La qualité nutritionnelle compte pour 60 points. Yuka se base sur le Nutri-Score de Serge Hercberg. Nutri-Score est un logo apposé sur les emballages informant sur la qualité nutritionnelle des produits. Ces derniers se voient attribuer une lettre, de A ( = très bon) à E (= très mauvais) en fonction de la teneur en nutriments à favoriser ou à limiter. Yuka lisse cette notation pour éviter l'effet de pallier.
Ensuite, la présence d’additifs compte pour 30 points. Plus il y a d’additifs à risque dans un produit, plus sa note baisse. Les additifs aussi ont un code couleur : vert s’il est sans risque, jaune si le risque est limité, orange si le risque est modéré et rouge si le risque est élevé. L’analyse des additifs se base sur des rapports d’expertise collective de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) ou du CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) et sur un ensemble d'études scientifiques indépendantes.
Enfin, les 10 derniers points concernent les labels biologiques du produit.
Ainsi, la force de Yuka vient de sa simplicité. On peut rapidement savoir si un produit est à éviter ou non. L’application éveille les consciences à la fois auprès des consommateurs mais aussi des industriels qui peuvent réagir si leurs produits sont mal notés et perdent alors de la crédibilité aux yeux des clients. Elle a donc une certaine influence, puisqu’elle a su provoquer le changement chez des industriels. C’est le cas de Björg qui a diminué les sucres ajoutés et les acides gras saturés dans ses céréales. De plus, Yuka est complètement indépendante. Elle n’est pas influencée par les marques dans son procédé d’évaluation. Elle ne propose d’ailleurs aucune publicité.
Les limites de la notation
Mais Yuka n'est pas sans limites ! D'abord, on peut s'interroger sur le principe des applis d'évaluation nutritionnelle. Faut-il tout noter ? C'est la question que se pose Nicole Darmon, nutritionniste et directrice de recherche à l'INRA, dans un article du magazine de l'Inserm : "Avec ces outils, notre rapport à l’alimentation s’individualise, le plaisir et la spontanéité cèdent la place à l’inquiétude et à la norme, ce qui pourrait favoriser un comportement ultrarationnel, potentiellement source de déséquilibres nutritionnels".
Les critères de notation peuvent également être remis en question. La classification des additifs nocifs ou non apparaît comme peu précise pour certains scientifiques. De plus, la présence d’un additif classé nocif baisse instantanément la note. Avec cette politique, des produits sont notés comme “médiocres” parce qu'ils contiennent des additifs qu’il ne faut pas consommer en grande quantité mais qui ne posent aucun problème sur un plus petit échantillon. À l’inverse, elle met en avant des produits qui ont un label bio par rapport à des produits qui n’en ont pas. Il peut cependant exister des marques qui n’ont pas les moyens économiques pour obtenir un label... Mais qui ont une excellente composition nutritionnelle !
Un autre problème de l’application est qu’elle ne signale pas les aliments ultra-transformés. C’est le cas de beaucoup de céréales, de biscuits, de plats surgelés, de soupes instantanées, etc. Par exemple, les biscuits Gerblé obtiennent 84/100 parce qu’ils sont peu sucrés et salés, alors qu’ils contiennent tous les marqueurs de l'ultra-transformation (amidon de blé, protéines de lait, sirop de malt d’orge, etc.).
Des progrès et des batailles
Ensuite, il est certain que tout le monde n’a pas besoin des mêmes apports nutritionnels. Ce n’est pas le but premier de l’application, mais la notation des aliments n’est pas personnalisée selon les profils des utilisateurs. Petit à petit, Yuka évolue puisqu’il existe maintenant une version payante avec des fonctionnalités supplémentaires comme la création d’alertes variant selon les préférences de chacun. La création d’un suivi individuel est prévu. L’application essaye ainsi de s’améliorer en fonction des retours qu’elle reçoit. Par exemple, elle ne note plus les produits spécifiques comme le sucre qui était évidemment jugé comme "mauvais pour la santé" sans que cela ait vraiment de sens. En effet, si on essaye de scanner un paquet de sucre, on obtient la remarque suivante : “Yuka ne sait pas noter les sucres”.
Yuka permet de connaître les produits à bannir de sa routine alimentaire mais présente certaines limites. L’application fait des efforts pour devenir la plus complète possible mais il reste du chemin à faire. Elle œuvre aussi pour certaines actions comme le combat pour l’interdiction des nitrites dans l’alimentation. Ces additifs souvent utilisés dans la charcuterie pourraient causer des cancers. Une pétition a été lancée par Yuka, l'ONG Foodwatch et la Ligue contre le cancer. En 2020, la Fédération des industriels charcutiers traiteurs (FITC) a carrément mis Yuka en demeure de retirer sa pétition... Et de changer son système d'évaluation. La start-up a été condamnée pour "acte de dénigrement" à payer une amende et en effet à supprimer la pétition. Yuka a fait appel de la décision.
Les applications comme Yuka peuvent-elles faire bouger la loi ? En tous cas, Ses utilisateurs de l'appli en sont convaincus. Selon l'étude de Mesure d'impact de l'entreprise, 88% d'entre eux affirment que "Yuka peut contribuer à faire évoluer la législation sur les substances autorisées dans les produits".